Bruxelles, impossible à (d)écrire

Il y a cinq minutes à peine, le mois de mars s’achevait et je préparais mon sac pour Bruxelles. En ligne de mire : le Salon des blogueurs de voyage et une ville que je n’ai pas revue depuis de longues années. Récit des retrouvailles, à tous les degrés.Le tout petit avion décolle, comme un départ en colonie de vacances. Parce que l’aéroport de Zaventem est encore fermé après les attaques du 22 mars, nous prenons la direction d’Anvers et c’est par bus que nous rejoindrons Bruxelles. Je savoure ce moment de transit solitaire car je sais que, après avoir posé le pied en Belgique, tout sera fou. Autour de moi, je sens une certaine crispation à l’idée de rejoindre une ville qui a été frappée par un attentat quelques jours auparavant. Mais dans l’avion, les passagers sont dociles. N’ont pas rechigné quand il a fallu patienter pour s’enregistrer sur le vol manuellement, l’un après l’autre. Ont calmement répondu aux questions des douaniers, plus acerbes que d’habitude. Ont fait semblant de ne pas voir les véhicules militaires et les armes, en franchissant les portes du minuscule aéroport d’Anvers.

Ce sont les derniers instants au calme. Avant la frénésie du salon, les gens que l’on revoit, les gens que l’on croise pour la première fois. Cette sensation « colonie de vacances » perdure quand je franchis, avec Audrey, les portes de l’hôtel Pullman qui jouxte la gare Bruxelles-Midi. Le Salon des blogueurs voyage, c’est la grand-messe des gratte-papier, tape-clavier, des Shivas snap-twit-like-shareurs, des influenceurs-rêveurs-partageurs. Des blogueurs, quoi. C’est comme au marché, on trouve de tout. On se fait une place dans ce grand orchestre. Voilà trois ans que je me rends à ce salon et que j’apprécie beaucoup le rendez-vous. C’est tellement bon, de se confronter dans sa pratique, de voir ce qui se fait de nouveau, d’apprendre des choses, d’oser poser des questions. C’est trois jours très prenants, intenses, gonflés à bloc, où l’émotion s’accumule et gonfle un petit ballon qui finit par claquer, quelque part entre les derniers rendez-vous et les câlins d’adieu.

Je crois que beaucoup d’entre-nous rentrent du salon plein d’inspiration, de nouvelles choses à tester. A l’inverse, j’ai aussi ressenti une sorte de blocage : comment parler d’un lieu, d’un moment, quand quinze autre blogueurs smartphonés font exactement la même chose ? Ca papote, ça clapote, et finalement c’est presque même trop. Voilà pourquoi j’ai laissé passer quelques mois, le temps que tout cela sédimente…

Mais rembobinons. J’arrive à Bruxelles, où l’on me promet une ambiance – au choix – chaotique, douloureuse, lourde, triste, stressante.

Des bombes et puis la vie

Je ne vais pas m’exprimer sur les attentats parce que le discours je suis résistant me met mal à l’aise. Oui, je suis allée à Bruxelles une dizaine de jours après les attentats du 22 mars. Je suis allée place de la Bourse, je me suis recueillie, j’ai senti ce quelque chose qui flottait dans l’air. Mais je n’ai pas abordé la question spécialement avec les Belges que j’ai rencontré, ce qui me rend incapable de me prononcer sur quoi que ce soit. Je ne vais pas abuser de cet accès à la parole que je me suis donnée toute seule en ouvrant un énième blog. Et surtout, surtout pas, me donner un air de combattante parce que j’ai naturellement maintenu mon voyage en Belgique.  Nope.
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Un moment de silence.

De l’art de choisir la sauce sur ses frites

Premier soir. Place Flagey. Il fait presque bon, on s’encanaille à choisir une table en terrasse pour quelques bières locales et des nachos pas locaux. Avec le petit radiateur à terrasse, hein, quand même. C’est la Belgique. Pour faire honneur, ensuite, on prend la queue à la friterie de la place, dite « la meilleure de la ville ». C’est un peu comme pour les fish and chips à Edimbourg. Chacun d’eux est décoré pour quelque chose.
Un petit gars à bonnet et lunettes rondes façon John Lennon ou Jamy Gourmand, selon vos références, me demande si j’ai fait mon idée. Plutôt grande frite ou petite frite ? Et plus important encore :
Tu prends quelle sauce ? Non, parce que c’est important.
Moi j’ai pris tartare. Goûte une frite si tu veux voir comment ça fait !
La liste de choix est longue comme le bras. Brésilienne avec son petit goût sucré ? Peut-être. Mais tartare, c’est bien, tiens. J’apprends, avec tous les détails, qu’il vaut mieux demander d’avoir sa sauce dans un petit pot à côté.
Parce qu’en fait tu en as plus dans le petit pot que si on te met la sauce direct sur les frites. Je déconne pas, c’est un fait !
Derrière nous, la queue s’est allongée de plusieurs mètres. Je comprends que je suis en train d’attendre un cornet de frites dans une institution de la patate croustillante. J’observe le patron remplir une premier cornet, puis l’entourer d’un papier journal avant de remplir l’espace restant de frites. Ca ira, pour la petite.

Allô le monde, ici Bruxelles

Le lendemain, c’est les retrouvailles avec ma petite famille de blogueuses. Il y a Audrey, qui aura passé son séjour en Belgique à squatter mon lit, Violaine, tout droit venue de Belfast, et Céline, qui vit dans ma chère vieille ville de Grenoble (note pour plus tard : réfléchir à un texte sur Grenoble). Après un bon déjeuner pour rattraper les aventures de chacune, on fait un petit tour en ville.
Devant le Musée des instruments de musique, dont on admire la magnifique facade, on rencontre Michel, qui se plaît à nous donner des petites anecdotes architecturales sur le quartier. On dirait qu’il aimerait bien être guide, Michel. Il connaît le coin comme sa poche. Mais ce n’est pas là qu’il vit. Quand je lui demande s’il est loin de chez lui, il souffle.
« Vous avez entendu parler de mon quartier à la télé… »
D’accord. Molenbeek. Il fait mine de se plaindre mais on dirait qu’il profite bien de son petit effet de style. Soudain, Michel me déçoit un peu. Il nous aime bien, nous, les Français, mais dans son coin, faut se méfier :
« Quand un appartement se libère, c’est rarement un nom Belge qui apparaît sur la boîte aux lettres ».
Comme nous, ça nous importe peu, quel nom apparaît sur quelle boîte aux lettres, on tente de prendre congé de Michel. Mais il a déjà embranché sur les recommandations de bières, je sens qu’on ne l’arrêtera plus.
***
Un studio de la RTBF.
Un studio de la RTBF.
Notre prochaine étape se trouve à quelques arrêts de bus du centre-ville, où ma copine Léa nous rejoint. Grâce à mon ami Romain, nous allons visiter la RTBF, la radio et la télévision belge francophone. Un immense bâtiment qui me rappelle certains de nos plus beaux établissements scolaires des années 80. Une splendeur. Romain nous accueille au sein d’un bâtiment vide et silencieux comme une église. Etait-ce dimanche, était-ce les vacances, était-ce les deux ? Dans une ambiance feutrée, nous nous glissons dans l’envers du décor. On caresse les murs matelassés des studios d’enregistrement.
 Pour moi, avec ma petite expérience de journaliste de campagne, mon coeur bat un peu fort. Ca me manque, l’ambiance d’une rédaction. Le stress de la deadline qui approche. La quête d’infos précises. Ca me manque un peu. Moment magique : Romain pousse la porte du studio principal de la radio, où nous nous asseyons pour faire « comme si ». Plus loin, plus haut, c’est dans le studio d’enregistrement du journal télévisé du soir que nous entrons à pas de loup.
Mais c’est au sommet du bâtiment que l’on se délecte de la meilleure vue. Un ciel clair et dégagé.  L’Atomium, tout à droite, quand on se penche. De l’air. Enfin, de l’air…

LE street art dans les murs

 Le festival d’émotions atteint son plus haut sommet à la fin de la dernière journée du salon. Je m’éclipse tôt pour profiter de la ville, plongée dans un confortable soleil orange. Je rejoins ma chère Léa qui m’emmène boire des limonades et manger, enfin, de bonnes gaufres. Et puis nous prenons la direction du Mima, un musée dont j’adore déjà le nom : « Millenium Iconoclast Museum of Art ». Michel de Un monde au tournant a fait un article super complet sur ce lieu qui mérite vraiment  – vraimentvraimentvraimentvraimnet – un détour.
Le Mima, tout neuf..
Le Mima, tout neuf..
L’ouverture officielle n’a pas encore eu lieu mais on nous ouvre discrètement la porte. Derrière un espace d’accueil – bar charmant, on s’enfonce dans les profondeurs du bâtiment pour découvrir les oeuvres de Swoon, qui a complètement investi l’espace de la cave pour y exposer ses collages. L’ambiance est indescriptible, on se sent plongé dans l’oeuvre, dans un monde de silhouettes et de dentelles de papier.
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A l’étage, j’ai particulièrement aimé le travail éclatant et multi-dimensionnel de MOMO. Le musée se visite comme une maison d’artistes, comme une colocation où chacun investit un coin pour y faire ce qu’il veut.
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A ne pas manquer : les toits du Mima et les vues romantiques qu’ils ouvrent sur Bruxelles. C’est sûr, le Mima n lieu où on a envie d’être seul, dans le silence, comme si on rentrait à la maison pour souffler un peu.
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Après avoir pris tant de couleurs dans les yeux, c’est l’heure d’aller boire un dernier verre. L’occasion, pour moi, de découvrir les projets de voyage de Blandine, qui part bientôt pour un long voyage en fauteuil roulant, de trinquer avec Marie-Julie et de câliner une dernière fois Violaine et Audrey. On ne sait pas si l’on se reverra avant le prochain salon. La seule chose que l’on sait, c’est que nous avons une sorte de bulle commune où nous vivons ensemble, où nous nous soutenons et envoyons des caresses virtuelles. On se rassure.
Le contraste entre cette atmosphère de ruche et le silence de ma chambre. Chaque nuit, j’ai trouvé refuge dans ma chambre du Pullman, et c’est une sensation vraiment bizarre que de voir une porte se refermer derrière soi et d’être seule. Toujours pas vraiment habituée aux chambres d’hôtel – plutôt aux dortoirs folkloriques – surtout seule, je n’ose pas trop toucher, je ne froisse pas les draps, je refais le lit. Comme si j’étais chez quelqu’un d’autre. Le calme impérial de la chambre fait du bien. Je m’accorde une pause. Je regarde les trains s’imbriquer, avancer, reculer. Charger, décharger. Tout près, Tintin veille. Je suis à Bruxelles, je manque de mots, et je vais aller me coucher.
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 Je remercie chaleureusement l’équipe du Salon des Blogueurs de Voyage ainsi que L’Office de Tourisme de Bruxelles, côté flamand et wallon.

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Sous son air de blog voyage, cet espace me permet d’expérimenter une forme d’écriture un peu différente de ce que j’ai l’habitude de faire. Ici, juste du ressenti, des émotions, des moments. Si vous voulez me faire un bisou, vous pouvez écrire à rita@ritasenva.fr.

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