O(o)stende – Flandres. Ca rime presque. Arcboutée sur la côte belge de la mer du Nord (celle-là même où je trempe les pieds à Edimbourg, oui), suspendue à la fin de la ligne ferroviaire, Ostende est la « plage » du citadin belge ou voisin qui trouve judicieux de sortir de la ville le temps d’une journée pour se prendre une petite bouffée d’iode. J’étais parmi eux, un dimanche ensoleillé d’avril : ils arrivent par wagons entiers à la gare et se meuvent d’un pas tranquille vers le sable tiède. Ils trottinent devant les stands de saletés poissonnières peu engageants mais tous si semblables. « La soupe, tu peux manger. Le reste, c’est du surimi ou des choses pas de chez nous, qu’ils remettent en vitrine jour après jour », me glisse-t-on à l’oreille. Je passe mon chemin. Mais j’apprécie quand même les rangées de coquillages, les poissons frais, un peu plus loin.
Alors qu’on sent la plage approcher, que les mouettes s’affolent et que la densité de restaurants à moules-frites se démultiplie, on se prend une baffe en voyant des silhouettes oranges et difformes se dresser face au front de mer. Ce sont les « Rock Strangers », une oeuvre signée Arne Quinze.
Parmi les colonnes criardes, on devine un monument dédié aux marins disparus en mer. Parallèle ? Voilà la digue ostendaise changée à jamais. Je devine d’avance que parmi les voisins, certains sont montés au créneau. Réponse habituelle à l’art contemporain. Derrière les Rock Strangers, on se presse sur la plage et sur la jetée. J’ai l’impression de voir une fourmilière. Toute la Belgique est là, ou presque…
Crystalship, l’illusion et l’art
Avant de s’aventurer sur la promenade d’Ostende, on s’enfonce dans les ruelles du centre-ville. Sous ses airs de cité balnéaire proprette, Ostende a un côté grunge séduisant. Nous faisons la connaissance de Bjorn, le fondateur du festival Crystalship, qui a – pardon pour le cliché – un air de Jacques Brel indéniable. Il se faufile dans les ruelles pour nous faire voir quelque chose de rare : un streetartiste au travail. Là, c’est Pixelpancho, l’Italien, qui a sorti la grue et qui contemple le mur encore vide qu’il va remplir de couleurs durant les trois prochains jours. Les passants passent et ne lèvent pas le nez. Bientôt, ils réaliseront qu’ils ont assisté à la lente naissance d’une oeuvre d’art…
« Durant l’année, nous proposons aux habitants d’Ostende d’accueillir une oeuvre d’art sur leurs murs. Ensuite, les artistes travaillent, on fait l’inauguration et l’oeuvre reste là », explique Bjorn devant cet ancien restaurant transformé en oeuvre trompe-l’oeil.
Dedans, il y a encore les tables, le comptoir. Les couleurs font du bien.
Du côté de la gare, on tombe sur l’Argentin Eversiempre, concentré sur un grand visage qui s’étale sur une autre facade. Il travaille seul, minuscule face au visage surdimensionné. Mais comment font-ils pour avoir tant de précision, sur une surface si grande ?
On finit la promenade face à une oeuvre de Roa, qui vient de Gand. Un local. Mais ses animaux sombres, eux, ont conquis l’Europe. Je me souviens avoir vu, de loin, un immense rat sur une facade de Turin. Sans connaître le nom de l’artiste, j’ai reconnu sa patte. C’est là que Bjorn nous abandonne. Des rats de Roa, mon regard se détourne vers la plage et sa lumière crue. Adieu les briques, bonjour le sable…
T’es chouette, ma crevette
Après un bain de foule agréable sur la promenade, les sourcils froncés – Des lunettes de soleil ? Mais pour quoi faire ? – on se met à l’abri à la Galerie Beausite, sur la promenade. Ann nous raconte l’histoire d’un lieu qui, avant de faire face à la mer, faisait face à l’une des avenues les plus bruyantes d’Ostende. Difficile à croire… Aujourd’hui, ce café – restaurant – galerie – maison – lieu d’exposition s’est fait une place entre les loueurs de cuistax et les vendeurs de glaces, face à la mer du Nord.
L’espace est baigné de lumière. Ann glisse discrètement une crêpe dans le tourne-disque et nous installe. Aujourd’hui, la célèbre crevette d’Ostende est au menu ! Seulement quelques dizaines de kilos de ces jolies bêtes sont pêchés chaque nuit, au large de la ville. Alors leur prix varie beaucoup, et souvent à la hausse. Elles sont précieuses, les petites. Ann parle de ses petites protégées avec passion. On s’affaire à les éplucher par dizaines, en en glissant discrètement une entre nos lèvres, parfois. Pas peu fiers de nos crevettes toutes lisses, nous nous affairons alors à cuisiner un risotto, en utilisant un fumet de crevettes d’Ostende que Ann a fait mijoter précédemment – des carcasses de crevettes, de l’eau, un assaisonnement, et beaucoup d’attention parce qu’il ne faut pas le laisser sur le feu trop longtemps.
La dégustation n’est que meilleure après avoir participé à l’effort collectif. Le risotto aux crevettes d’Ostende et sa salicorne est à tomber. Moment de flottement – et si on mijotait, nous aussi, au soleil, dans les chaises longues de la galerie Beausite ?
Mate mon cuistax
Mais ma copine Audrey me tire la manche : on avait dit qu’on ferait du Cuistax ! On en choisit un beau. Un jaune. Avec une sonnette – qui ne marche pas – et des sièges à l’arrière pour les copains. 8 euros la demi-heure, on a plutôt intérêt à ne pas traîner ! J’attrape le guidon et on se lance à toute blinde entre les grappes de gens. Aucune victime à déplorer. Mais c’est bon de pédaler dans le vent, dents dehors, cheveux sauvages, genoux qui cognent. Intense sentiment de liberté gamine.
On fait la course avec d’autres cortèges, on les laisse gagner, bien sûr. La plage est là et nous donne le sentiment de ne pas avancer. Plus loin, on atteint les jolies petites cabanes de plage d’Ostende, essoufflées. Il faut alors ramener notre carrosse et lui faire nos adieux. Le soleil commence à descendre et nous, à bailler. Il est l’heure d’aller faire la sieste dans le train, repues, pleines de soleil et d’air marin.
Cette jolie balade a été rendue possible grâce au Salon des blogueurs voyage, à l’Office de tourisme Visit Flanders et Visit Oostende, que je remercie chaleureusement. Cependant, personne n’est venu mettre son nez dans mes papiers, j’ai tout écrit toute seule, comme une grande.
J’A-D-O-R-E 😀 Comme toujours, chouette article!
Belle balade à Ostende… Ça donne envie d’y aller… Merci !
Si tu avais voulu, tu aurais aussi pu ajouter faire du stand up paddle et rater le train à Ostende dans ta life list #jdcjdr
Bon en vrai on en menait pas large a se prendre la flotte, cont ente de t’avoir revue 🙂
Hannnnn je veux faire du cuistax !!! J’adore toujours autant ces petits instantanés. Merci Rita-tatouille. 😉
Je découvre et j’aime beaucoup le style d’écriture. Merci pour l’article! 🙂
Cuistax ! Quel nom barbare ! Je cherchais quel recette culinaire se cachait derrière ce nom barbare. Finalement c’est une banale Rosalie !
Déception…
Si tu veux des bulots, ramène ta fraise dans la Manche, ils sont à 3,90 euros le kilo. Et si tu es chanceuse, tu auras peut être la chance de manger une soupe ou un boudin de bulot à Pirou !
J’habite à Mulhouse et tous les mois un artiste a carte blanche sur un mur de la ville (toujours le même). C’est captivant de les voir travailler, avancer doucement. J’essaye d’y passer deux fois pendant la progression, pour deviner, anticiper le résultat final.
Et du coup je me demande, as-tu vu les créations finis de Pixelpancho et eversiempre ?
Ostende me fait rêver depuis que je l’ai vue sur le tracé du Thalys… Je ne connaissais pourtant rien de cette ville. Ce que tu en écris me donne encore plus envie de la découvrir, un jour… Merci pour le partage 🙂
Joli Sarah… Tu as eu beau temps à Ostende. Quel plaisir alors ! Ostende je ne l’ai vu que très brièvement il y a plus de dix ans… Avec ton article, ça me donne l’envie d’y retourner peut -être pour les crevettes ^^
Ton ton simple et entraînant m’a accrochée jusqu’au dernier mot de l’article… Merci pour cette petite balade belge !