Mon herbier de voyageurs – second chapitre

Allez, on continue. Mais sous forme de liste.

Dans mon quotidien, il y a des voyageurs. Même si je me suis sédentarisée pour un temps, quelques matins par semaine, je les couve du regard, je leur souris au réveil, je ris à leurs blagues sur la France, je réponds à leurs questions très précises sur les mystères d’Edimbourg. Ils n’ont pas tous des aventures extraordinaires à raconter. Mais je les écoute quand même. Je les aime le temps qu’ils sont là.

Il y a celui qui m’a appris ce qu’était un « sunny side up » : c’est un oeuf sur le plat cuit au milieu d’une tranche de pain de mie précédemment trouée avec un verre.
Il y a celle qui a laissé un paquet de bonbons pour nous sur le lit.
Le chinois qui, incapable de parler en anglais, a tapé dans son traducteur automatique « vous êtes belles comme des princesses » avant de nous montrer l’écran en rougissant.
Celle qui a pleuré parce qu’elle avait eu ses règles dans la nuit. Celle qui a vécu la même mésaventure mais qui n’a pas pleuré et a essayé de nous piquer un drap propre sans se faire remarquer. Il y a celui qui s’est dit « tiens, je vais acheter des cordes pour remplacer celles de la guitare, elles sont abîmées. »
Il y a celle qui a fait semblant de sourire en disant « j’arrive pas à porter ma valise, je l’ai laissée en bas.
Celui qui a pressé un oreiller sur le visage de son voisin de dortoir parce qu’il ronflait.
Il y a celle qui revient « pour nous ». Et celle qui nous donne ses shampooings et ses légumes.
Et puis il y a les deux Australiennes qui ont fait entrer en douce deux quidams, qu’elles ont fait dormir dans leurs lits, et qui ont, plus tard, laissé une remarque : « le dortoir était vraiment bondé ». Hashtag #lesgens.

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Il y a celle qui ne fait rien, rien, rien.
Il y a celle qui me demande de l’aider à ouvrir le robinet de l’évier.
Il y a celui qui dit que quand je veux, je peux venir lui rendre visite.
Et il y a celui qui me dit qu’il regrette que j’habite sur un hémisphère différent du sien, parce que vraiment…
Il y a celle qui me demande de discrètement mettre des bougies sur le petit-déjeuner de son amie.
Il y a ce Néo-Zélandais qui me montre, sur Google Map, sa maison, son quartier, sa plage, la rue qui mène à son travail, et la montagne.
Il y a le chorégraphe de comédie musicale.
Il y a le mec qui sait parler huit langues et qui pourtant ne sait pas parler d’autre chose.
Il y a le mec qui vient pour deux jours, puis rajoute une nuit, puis une autre, puis une autre, puis va ouvrir la porte quand ça sonne, puis propose son aide au petit-déjeuner.
Il y a celles qui vient d’une colonie israélienne et qui affirment, sans sentir la gène ambiante, que « nous quand on nous provoque on est obligés de répondre ».

Il y a ce grand blond qui s’assied patiemment et me dévisage tout le long du petit-déjeuner. Il est beau.
Il y a celle qui m’écrit mon nom en coréen et rajoute des coeurs autour.
Il y a celui qui vient de Mulhouse. Et c’est bizarre.
Il y a celle qui se marie bientôt, et toutes ses copines.
Il y a celui qui vient des Highlands et qui s’apprête à prendre l’avion pour Hambourg, en kilt, comme d’habitude.
Il y a cette maman américaine qui s’inquiète de voir que « certaines personnes ont fini de manger mais pourtant restent assises ».
Il y a cet homme étrange de Manchester qui finalement, n’est pas resté. Il n’avait pas de papier d’identité. Il s’est emporté, clamant que pourtant, ce n’était pas lui, l’étranger ici.
Il y a la petite Chinoise qui m’assure qu’à partir de maintenant, elle adore les oeufs brouillés.
Il y a Iniaki, du Pays Basque, qui oublie qu’il a déjà payé pour sa chambre et veut payer une nouvelle fois. Je le récupère un matin en caleçon sans sa clé, et je l’aide aussi à retrouver son portefeuille. Je le laisse partir un peu inquiète pour la suite de son voyage…
Il y a celle qui marche, avec son petit sac, à travers tout le Royaume-Uni, qu’il vente ou qu’il pleuve.

Il y a ceux qui arrivent. Ceux qui me raviront, m’irriteront, me toucheront, me feront me mordre la lèvre inférieure, m’indiffèreront, me feront éclater de rire. Il y a ceux qui arrivent et j’ai confiance.

Sous son air de blog voyage, cet espace me permet d’expérimenter une forme d’écriture un peu différente de ce que j’ai l’habitude de faire. Ici, juste du ressenti, des émotions, des moments. Si vous voulez me faire un bisou, vous pouvez écrire à rita@ritasenva.fr.

2 Comments

    • Ah je n’ai absolument rien contre Mulhouse, je chéris ce qui en viennent puisque ça me fait un point commun avec eux 🙂 Mais étant ici, dans ma bulle, loin de tout, ça a été étrange de me retrouver face à quelqu’un qui connaît mon village… Deux mondes qui se cognent 🙂

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